Théo Mercier

SKINLESS

Théo Mercier sera en résidence de création à Montévidéo du 3 au 15 avril 2023.
 

Au milieu d’une salle, se déploie une vaste montagne de déchets accumulés dans la pénombre. Un mono-paysage fait de résidus scintillants qui annonce l’arrivée d’un nouveau drame vivant et recyclable mis en scène par Théo Mercier. Au bord de ce monde et sous un dispositif lumineux radicalement minimal, un premier personnage silencieux accueille le regard des premiers spectateurs qui entrent dans la salle à la manière d’un prologue. Assis dans cette géographie devenue la nature mutante de son quotidien, le personnage joue avec la matière et semble fabriquer quelque chose : une énigme plastique ou peut-être un prototype imaginaire directement puisé du terreau résiduel dans lequel il évolue. Plus loin dans ce paysage dystopique, deux corps passent furtivement et font crisser le sol de déchets sous leurs pieds. On devine une première silhouette nue qui courre, une autre qui disparaît derrière une colline de déchets, on entend un rire et un deuxième étouffé. Comme souvent dans le travail de Théo Mercier, le public est au cœur d’un écosystème dramatique dans lequel il est invité au plus près pour que l’histoire existe. Suivant progressivement les contours du paysage, de la lumière et du mouvement des deux protagonistes principaux incarnés par les performeur·ses Bryana Fritz et Maxime Thébault, le public, installé sur la scène, contourne l’imposant ventre de détritus scénique pour témoigner d’une histoire charnelle dans laquelle l’amour se conçoit comme une chorégraphie de résistance au désastre, et une relation érotique à l’autre, au monde et au trouble.

Dans la continuité de ses expérimentations autour du « paysage vivant » menées avec le projet d’exposition-performance OUTREMONDE (2021-22), la nouvelle création de Théo Mercier prévue pour le printemps 2024 constitue une nouvelle étape dans sa recherche de la « zone grise » qui existe entre la boite noire du théâtre et le white cube du musée. Jonglant entre sa pratique de plasticien et celle de metteur en scène, il s’emploie depuis plusieurs années à sculpter et à chorégraphier de nouvelles manières de regarder, cherchant avant tout à dévier et réinventer les rituels de regard que les salles de spectacle et d’exposition ont sédimentés en nous pendant des siècles d’habitude. L’éclatement du cadre scénique y est devenu la matrice par laquelle le regard du spectateur renoue aussi avec celui du voyageur ou du voyeur, et sa posture avec celle du tourisme de masse ou du cruising.

Créée de toutes pièces sur un lit de déchets sourcés localement, cette nouvelle création se conçoit aussi comme une collaboration entre une institution culturelle et une déchèterie locale ou un centre de traitement des déchets, pour faire de la scène une radiographie « déchétologique » du territoire. Par ce geste, Théo Mercier cherche à se délester d’une économie lourde de transport et de stockage de décors. Il ne s’agira pas de recréer une nouvelle pièce dans chaque lieu mais la scénographie suivra un process qui permettra de raconter une histoire locale du déchet dans chaque territoire. Plus largement, il tente de poursuivre une réflexion autour de l’emprunt de matière comme manière de générer et de régénérer nos récits et nos modèles de production. Porté par un désir de continuer de vivre, de créer et de produire dans le monde globalisé, abîmé et saturé que l’on a construit, l'artiste s’empare du déchet à la fois comme problème dramatique de la globalisation et comme circuit de réflexion sur nos modèles de production de tournée à l’échelle internationale. Les déchets étant ce qu’il reste après utilisation, vidés de leur substance jouissive, ils sont les coquilles creuses de la consommation et les résidus disséminés des désirs devenus encombrants, enfouis dans les sols de la conscience et de l’action.

Envers ou peaux mortes du monde, les déchets deviendront avec Théo Mercier à la fois le motif, le terreau et le compost sur lequel écrire un scénario d’amour transgressif. Suivant l’histoire sensuelle de deux corps fusionnant l’un dans l’autre et avec leur environnement, le public assistera à l’incorporation charnelle du monde en tant que problème, prothèse et promesse. Loin de la moralisation ou de la sublimation, cette nouvelle création invitera à s’interroger collectivement sur ce que veut dire de continuer de vivre, de s’aimer, de désirer et de composer avec le trouble et l’horreur contemporaine.


Conception & mise en scène Théo Mercier
Collaboration artistique Florent Jacob
Performeur.se.s Bryana Fritz, Maxime Thébault...
Composition sonore Pierre Desprats
Texte Jonathan Drillet
Création Lumière Théo Mercier, Florent Jacob et François Boulet
Costume Colombe Lauriot Prévost
Régisseur général François Boulet
Régisseuse plateau Sara Ruiz Marmolejo
Production & diffusion Alix Sarrade

Production Good World
Coproduction Théâtre national de Bretagne - Rennes, Le Quartz, scène nationale de Brest, CNDC - Angers, Maison de la Culture d’Amiens – Pôle européen de création et de production...

Avec le soutien de Montévidéo (Marseille) et de la Ménagerie de Verre, Paris

Théo Mercier est artiste associé au Théâtre National de Bretagne, Rennes.
Première les 12 et 13 mars 2024 dans le cadre du festival Dansfabrik au Quartz, scène nationale de Brest.



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Théo Mercier est né à Paris en 1984 et vit entre Paris et Mexico. Revendiquant une liberté formelle, Théo Mercier s’emploie à déconstruire les mécanismes de l’histoire, des objets et des représentations dans laquelle il remonte d’harmonieuses contradictions. Tour à tour explorateur, collectionneur et artiste, il mène une réflexion située au carrefour de l’anthropologie, de la géopolitique et du tourisme. En résulte une œuvre tentaculaire peuplée de mythes dystopiques et de sculptures iconoclastes où s’affrontent passé, présent et futur, vie et mort, artisanal et industriel, profane et sacré, réel et fiction dans une cacophonie ordonnée.

Pensionnaire de la Villa Médicis en 2013 et nominé pour le prix Marcel-Duchamp en 2014, Théo Mercier a bénéficié d’expositions personnelles au Museo El Eco (Mexico) , au Musée de la Chasse et de la Nature (Paris) , au [mac] Musée d’art contemporain (Marseille) , au Lieu Unique (Nantes) et au Tri Postal (Lille) . Son travail a été présenté dans de nombreuses expositions collectives au Centre Pompidou (Paris) , au Hamburger Banhof (Berlin) ou au Palacio Bellas Artes (Mexico) .
Passant d’une pratique du « white cube » à celle de la « boite noire », Théo Mercier a mis en scène Du futur faisons table rase (2014), Radio Vinci Park (co-écrit avec François Chaignaud, 2016), La Fille du collectionneur (2017) , Affordable Solution for Better Living (co- écrit avec Steven Michel, 2018) pour lequel ils reçoivent le Lion d’Argent de la Biennale de Venise 2019, et BIG SISTERS (co-écrit avec Steven Michel, 2020). Ses performances ont été montrées à Nanterre-Amandiers, la Ménagerie de verre (Paris), à l’Usine C (Montréal) , The Invisible dog Art Center (New York) , au Festival Actoral (Marseille) , Dampfezentrale (Bern), au Vooroit Art Center (Ghent) , à Vidy-Lausanne etc. En juillet 2021 il crée Outremonde à la collection Lambert dans le cadre du festival d’Avignon, premier chapitre d’une trilogie d’un projet mêlant exposition et performance. En juin 2022, il crée le deuxième chapitre à Luma Westbau Zurich et à l’automne 2022 a lieu le troisième volet à la Conciergerie de Paris dans le cadre du Festival d’Automne à Paris et du programme New Setting de la fondation d’entreprise Hermès. En juin 2023 il représente le pavillon français, « Pays et Régions » dans le cadre de la Quadriennale de scénographie de Prague, en collaboration avec son équipe. Il prépare également deux expositions personnelles, à la villa Médicis à Rome pour juin 23 et à la galerie Mor Charpentier pour septembre 23.


Maxime Thébault est né à Saint-Brieuc en 1998, Maxime découvre le théâtre à 19 ans lors de son BTS en lycée horticole, cela le poussera à franchir pour la première fois les portes d’un théâtre à l’âge de 20 ans. Il entre à l’école du TNB sous la direction d’Arthur Nauzyciel et Laurent Poitrenaux. Son désir de jouer est lié à ses rencontres plus qu’à des disciplines. Pour lui l’art est un vecteur d’images, de transmission, de mémoire, une façon de sympathiser avec le temps sans le contredire. En 2022, il joue sous la direction de Julie Duclos dans Kliniken et présente sa performance Small Boy au sein de la création From Outside In en collaboration avec Steven Cohen, Amélie Gratias et Mathilde Viseux.


Bryana Fritz est basée à Bruxelles, Bryana Fritz est chorégraphe, danseuse et écrivaine. Son travail se situe à l’intersection de la poésie et de la performance, de la chorégraphie de desktop et de la danse. Elle travaille actuellement avec le genre médiéval de l’hagiographie pour développer une série de portraits performatifs de femmes saintes. Bryana a également travaillé comme interprète pour Anne Teresa de Keersmaeker, Boris Charmatz, Xavier le Roy et Michiel Vandevelde. Depuis 2016, elle collabore avec Henry Andersen sous le nom de Slow Reading Club, un groupe de lecture semi-fictif qui développe des situations chorégraphiques pour la lecture collective.



Une insatiable curiosité anime Pierre Desprats, artisan musical naviguant depuis quelques années, entre projets live, courts métrages et premiers longs. Un parcours façonné au gré des études et des rencontres : Cinésup à Nantes, un passage au Groupe de recherche et d’improvisation musicale (GRIM) de Jean-Marc Montera, et finalement l’entrée à Louis Lumière pour se former aux métiers du son. Apprivoiser l’instrument, découvrir son fonctionnement, sa fabrication et aborder donc la musique comme un artisan. Une approche qui transpire évidemment dans son travail, qu’il laisse, malléable, à disposition des réalisateurs comme Bertrand Mandico (Les Garçons Sauvages, 2018) et les metteurs en scène Théo Mercier (Outremonde), Théo Mercier & Steven Michel, (Affordable Solution for Better Living, primé par le Lion d’argent à la Biennale de Venise en 2019 ; BIG SISTERS, 2020) ou Philippe Quesne (sonorisation du Parc zoologique de Paris, Nuit Blanche, Crash Park, la vie d’une île, 2019).



Florent Jacob a fait des études littéraires à Paris et des études techniques au TNS. Il a découvert le métier d'éclairagiste auprès d'André Diot. Au TNS, il a croisé de nombreux metteurs en scène. Il fut particulièrement heureux de travailler avec Gildas Milin (RUR) et de faire la mise en scène d'un texte de Louis-René des Forêts, Le Bavard.
Il a ensuite été l'éclairagiste de Thibault Wenger, Pauline Ringeade, Sabine Durand, Bernard Bloch, Yves Beaunesne. Il est aujourd'hui celui de Rémy Barché (La Truite, Le Traitement, Les P'tites Michu), Baptiste Amann (Des Territoires), Pierre-Yves Chapalain (Dossier K), Bérangère Vantusso (Alors Carcasse).
Il est également collaborateur artistique du plasticien Théo Mercier (Du futur faisons table rase, Radio Vinci Park, La fille du collectionneur, Outremonde Dog Dreans & The sleeping chapter).