Suzanne Joubert

Home Movie


 

HOME MOVIE
de Suzanne Joubert

Collaboration artistique : Marie Vayssière et Arnaud Saury

Production MMFF - Mathieu Ma Fille Foundation


Lecture réalisée par et avec : 
Marie Vayssière, Arnaud Saury, Malte Schwind, Suzanne Joubert

Tant qu’il n’a pas été mis à l’épreuve de l’oralité, un texte de théâtre reste infirme d’une partie essentielle de lui-même. Depuis un certain temps, les comédiens, metteurs en scène, Marie Vayssière et Arnaud Saury accompagnent Suzanne Joubert dans ce mouvement de passage du texte écrit à sa mise en voix. Une aventure commencée avec Show room créé dans la foulée en 2017. 

Home Movie, a reçu l'Aide à la Création d'ARTCENA en 2019. 

On peut imaginer un espace comme laissé en plan. Une sorte de lieu, témoin d’une chose en cours, pas finie, ou pas encore commencée… Un espace occupé par un groupe de gens, des hommes et des femmes d’âges divers. Ils sont là, tous, juste pour faire ce qu’il y a à faire. Et faire ce qu’il y a à faire c’est dire ce qu’il y a à dire. Avec des mots de rien, des mots de tous les jours, ils échangent des évidences, des constats. Mais ces constats se transforment peu à peu en fermeture totale, en refus de l'autre, du différent, de l’étranger. Alors le banal, le quotidien, le dérisoire, devient le pire... 

Remerciements à : Alain Fourneau, Rachel Ceysson, Marie-Pascale Bouladoux, Marie-Ange Rossotto  


D’où vient Home Movie
C’est un après-midi de l’automne 2017, je crois. Je suis assise dans un café. Situation classique. Je lis. Classique aussi. Je suis là, donc, tranquille, absorbée, détendue, quand, près de ma table vient s’installer un groupe de gens. Sur le moment je ressens un réel agacement. Très vite mes craintes se dissipent. Ces gens-là chuchotent, parlent bas, si bas que j’ai peine à entendre le sujet de leur échange. Un murmure d’une douceur immense s’élève de leur place pour venir nimber tout l’espace. J’en suis là de mes sensations quand, de la ouate sonore, commencent à émerger des mots. Des mots simples, quotidiens, plats, presque vides. Peu à peu, commence à percer le sens de ce qui se dit. Je me rends compte avec surprise et effroi que le chant qui se pousse là, l’air de rien, est bel et bien celui d’un désastre. L’air de rien, oui, à travers des mots de tous les jours, nos mots, on n’y dit rien de moins que le rejet de l’Autre, du Différent, de l’Étranger. Une sorte de chant parlé au rythme et au contenu implacable a pris la place du doux murmure humain. Je suis tétanisée. Il faut, il aurait fallu hurler ou fuir. Je ne bouge pas. Impossible. Me revient, alors, une phrase : Et d’abord très doux, comme si on ne voulait pas l’effrayer, le chuchotement que l’homme a déjà perçu il y a longtemps, ô si longtemps, bien avant que l’homme existe, le chuchotement recommence. Ces mots sont tirés de La Mort de Virgile, un texte entamé en 1937 par l’auteur autrichien Hermann Broch. Cette année-là, la mort rôdait déjà dans Vienne. Une mort froide s’était mise en marche. Une mort drapée de rouge et de noir. Une mort européenne.  
Suzanne Joubert


J'écris... 
...comme ça vient, avec juste comme une idée derrière la tête. Et c'est toujours le commencement qui compte. Une phrase ou plutôt le tour que prend une phrase qui me donne le reste, immanquablement. Tant que je n'ai pas le point d'appui, je ne vais nulle part. C'est une affaire de mettre convenablement le texte, qui ne demande qu'à venir, dans son starting-block. Vraiment. Dès cet instant on sait, je sais, si on va aller au bout de la course. Au bout du texte. Et dès cet instant je sais aussi, je sens, comment la ou les figures qui vont apparaitre vont « prendre » la parole.  Car il s'agit bien de ça, je pense : ouvrir un champ de prise de paroles. 
Les figures de Home Movie appartiennent toutes à la même famille de gens convoqués dans tous mes textes, des gens de tous les jours, des outsiders comme on dit. Ceux sur qui personne n'irait parier un dollar. Ceux dont "l'histoire" ne représente aucun intérêt mais qui, pourtant, vivent. Ce sont, depuis toujours, ces trajectoires-là qui s'imposent. Pour m'approcher, au plus près, j'opère des sortes d'exagérations de moments et d'espaces donnés, des exagérations d'états isolés du monde. Et je me pose là, juste là et pendant un temps, nous partageons ces figures et moi ce qu'elles ont à vivre. Entre elles et moi, entre nous, il y a l'écriture. C'est elle qui mène la danse. Elle nous tient ensemble. C'est fragile ce lien, c'est comme une appartenance. Qu'une phrase tourne mal et la relation peut se défaire, comme un amour qu'un geste malheureux ébranle. Et l'écrit est foutu.
S.J. 

Suzanne Joubert, vit à Marseille. Elle est, de 1994 à 2015, auteur associée au Théâtre des Bernardines, dirigé alors par Alain Fourneau. 
Elle écrit des textes destinés au théâtre ou à la radio (France Culture) : Le Funiculaire, Les Chants de l'Ordinaire, Fragments pour Conversation pieces, Le Second œuvre des Cannibales, Corps présent, La Peau de la Grande Ourse, Mort de Rosa, Tangente, Des jeunes gens, Je crois qu'il va pleuvoir, Remix, Tous tant qu'ils sont, C'est gentil d'être venu jusqu'ici, Show room, Home Movie... 
La plupart ont été mis en scène, entre autres par : Alain Fourneau, François-Michel Pesenti, Xavier Marchand, Michel Simonot, Marie Vayssière, Alain Béhar, Alexandra Tobelaim, Youri Pogrebnitchko...
Ils ont été présentés au : Théâtre des Bernardines, Festival Émergences, Festival In d'Avignon, Le Quai-Verdun, Théâtre de Cavaillon, Théâtre Okolo (Moscou), Festival Les Informelles, Théâtre du Merlan Scène Nationale, Festival Nouvelles Scènes, Festival International des Arts (Bruxelles), Théâtre Joliette...
Sont édités aux Solitaires Intempestifs : Le Funiculaire, La Peau de la Grande Ourse, Cesena dans le paysage, Show room, Home Movie. 

Marie Vayssière est comédienne et metteur en scène.
En tant que comédienne de1976 à 1988 elle joue avec de nombreuse compagnies.
De 1984 et 1988 elle travaille notamment plusieurs fois à Marseille avec Cartoon Sardines Théâtre, La Compagnie du Biscuit qui Craque et plus fidèlement pour plusieurs lectures avec Alain Fourneau et le Théâtre des Bernardines. Elle rencontre Tadeusz Kantor en 1988 et jusqu’en 1992 participera à tous les spectacles de Tadeusz Kantor et du Théâtre Cricot 2. Elle est assistante de Tadeusz Kantor pour Les Classes d’Avignon en juillet 1990 et la création du cricotage : “Ô douce nuit ».
Elle crée sa propre compagnie en 1991 : La Compagnie du Singulier.
Elle est alors lauréate du Prix Villa Médicis Hors les Murs pour son projet “Le Pleure Misère” du roman de Flann O’Brien dont elle écrit l’adaptation théâtrale et qu’elle met en scène. Suivront alors plus d’une trentaine de mises en scènes.
En 2013, elle a réalisé avec Stéphane Nota le film : “1+1=0, une très courte leçon de Tadeusz Kantor”.
Elle a dirigé de nombreux cours et des ateliers d’enseignement du théâtre. De 2010 à 2016, elle a été Maître de Conférences associée au secteur Théâtre du Département Lettres et Arts de l'Université Aix-Marseille.
2017 à 2022, elle accompagne les travaux d'Alain Béhar en tant qu'assistante à la mise en scène et Franck Dimeck en tant que conseillère à la dramaturgie.
Depuis 2019, elle est associée en tant que conseillère à la dramaturgie à La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon.
Elle retrouve à nouveau le plateau de 2017 à 2022 pour « Show room », texte de Suzanne Joubert et plus récemment pour “LVVI ou la Vieille Vierge Insomniaque”, texte et mise en scène de Dominique Collignon-Maurin.

Arnaud Saury comédien et metteur en scène vit aujourd'hui à Marseille. Il est issu de la deuxième promotion de l’école du TNB (Rennes). Il travaille par la suite avec les metteurs en scène Matthias Langhoff et Jean-Luc Terrade. Il occupe pendant 6 ans un tiers-temps de danseur atypique au sein de La Zouze (Cie du chorégraphe Christophe Haleb) où il participe entre autres à Domestic Flight. Il rejoint le groupe de travail Humanus Gruppo (Rennes) en 2006 (La conquête du pôle sud de Manfred Karge avec Rachid Zanouda, La Dingoterie avec Eric Didry).
Il travaille avec Nicolas Frize sur La Danse des Traductions. Collabore avec Mireille Guerre, Raffaella Giordano (Pour le reste on verra), Suzanne Joubert et Marie Vayssière (Show Room). Regard extérieur avec le groupe Impérial Orphéon (Gala), Olivier Debelhoir (L'Ouest loin), Cie Tanmis (HIC). Sydney Pin (La balançoire géante). Il est membre fondateur de Mathieu Ma Fille Foundation (Marseille) et initie dans la foulée l’écriture de projets transdisciplinaires et collectifs, I’m a Love Result en 2012, puis le cycle Mémoires du Grand Nord, En dépit de la distance qui nous sépare, Dad is Dead, Manifeste (nous n'avons plus d’histoires à raconter), la série Dans ma chambre, Aimons-nous-vivants (création 2024).

Malte Schwind est né en 1986 en Allemagne. Après son baccalauréat, il quitte son pays natal pour le Québec où il commence à étudier la psychologie. En 2009, il immigre en France et y découvre le théâtre. Il intègre en 2012 le Master « Arts de la scène » parcourt «  dramaturgie et écriture scénique » à l’université Aix-Marseille qu’il termine en 2014. Ses premiers travaux portent sur des « écritures de plateaux » à partir d’un montage de textes d’auteurs multiples tels que Artaud, Hölderlin, Pasolini, Dostoïevski, etc. Après sa première création professionnelle Tentatives de fugue (Et la joie ?… Que faire?), il entame un travail sur Robert Walser avec deux créations : La Promenade et Hedwig Tanner. Ce travail sur Walser a un impact crucial sur sa manière de travailler et sa conception du bonheur. En 2022, il crée Les Métamorphoses d’Ovide. Depuis 2020, il a repris le jeu entre autres auprès de Danièle Bré. Parallèlement, il intervient à l’Université d’Aix-Marseille et au LAN du CDN d’Aubervilliers. Il est critique à l’Insensé et co-fondateur du lieu de vie et de création La Déviation à l’Estaque, Marseille et dirige sa compagnie de théâtre En Devenir 2 depuis 2017. 

 

 

 

 

 

 

Lecture

mer 01 mar 2023 — 21:00


Tarif 5€
Réservations info@montevideo-marseille.com
ou par téléphone 04 91 37 97 35
Bar et restauration sur place avec Sam Kitchen